Mohamed Alami
Pour le critique d’art Abderrahman Benhamza « la palette de Mohamed Alami, qui expose pour la deuxième fois, n’a rien de celle d’un fabulateur ni d’un néophile. Du premier coup d’œil, on y remarque une réelle force expressive, une dynamique graphique et un traitement de la couleur qui attestent d’un tempérament d’artiste-né.
Des personnages kafakïens vus de face, de profil, en solitaires ou en couples étrangement mutiques, pris dans de longues poses de gens qui s’ennuient, ou sous formes de silhouettes (pour ne pas dire de caricatures) réalisées dans des traits vifs ; des touches abstraites évoquant des paysages ; un graphisme nerveux, à la verticale ou oblique ; des tons foncés, terreux, où le noir, les gris colorés, l’ocre, un rouge ardent paradoxal, le jaune de paille, un vert trouble témoignent d’une sensibilité tourmentée, d’écorché. Tout cela est fait dans des mélanges improvisés, ou commandés par la seule intuition de l’artiste.
C’est une peinture d’un expressionnisme tel qu’on n’en connait pas beaucoup dans les annales plastiques au Maroc ; et ce n’est pas une vue de l’esprit de l’aligner, les particularités stylistiques et la facture en moins, sur ce qu’ont fait dans ce domaine un Aziz Abou Ali et un Mohammed Drissi.
Mohamed Alami, qui est un autodidacte, y est allé de toute la puissance de son affect, de tout l’élan de ses émotions. Il n’y a là aucun maniérisme ni arrière-pensée démonstrative, mais plutôt un besoin pressant quasi physique de monstration, la mise à nu d’un moi dramatique, où la mélancolie, le sentiment de solitude et d’abandon filtrent leur acide, mêlent leurs sourdes résonances. Un esprit de révolte contenue filigrane aussi la composition, comme une crise d’identité entraînant un violent repli sur soi…L’art de Mohamed Alami devient du fait une sourde quête de libération, une espèce d’exorcisme métaphysique. Sa perception des couleurs et sa pratique des contrastes, parfois l’aspect frontal de ses représentations donnent lieu à une approche ardue de la condition humaine, partant à une esthétique de la douleur ne prévalant d’aucune mise en scène.
La tendance expressionniste a d’ailleurs toujours eu cela de spécial, elle génère sa propre technique, marquée au sceau de l’individualité, chaque fois qu’elle se trouve une voix (voie) authentique par où s’exprimer, comme elle se voit éclore une imagerie chaque fois différenciée, pêchée par hypothèse dans les eaux tumultueuses de la « passion » pris ici au sens moral de « souffrance ».
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