Né à Casablanca en 1952, Mohamed Douma a grandi dans un milieu populaire qui l’a marqué on dirait au fer rouge, comme on poinçonne du bétail ! A son insu, l’artiste en présente encore l’obscure patine :
silhouette effacée, esprit de bohème passablement nihiliste … Cependant, derrière ce profil bas, se cache une force de la nature et une volonté étonnantes, bout un feu quasi prométhéen, dont l’œuvre produite exprime depuis vingt ans l’inextinguible flamme.
Bien que cultivé (Douma taquine de temps en temps la muse et a étudié pendant sept ans la musique au conservatoire national de sa ville), l’artiste a dû faire dans le temps plusieurs métiers (forgeron, menuisier, soudeur, etc.) pour survivre et subvenir aux besoins des siens. Mais, comme dit le proverbe : douze métiers, treize misères ; l’artiste n’arriva jamais à sortir de l’auberge.
La peinture lui est tombée en quelque sorte du ciel. Un certain jour. Exactement comme une manne. Et commença directement à lui circuler dans les veines et à le démanger. Auparavant, affirme-t-il, il n’y avait pratiquement jamais songé. Ce sont d’abord des vagues de couleurs et de traits aux prétentions abstraites, surgies du fin fond de rêves nocturnes énigmatiques (et qui le resteront), qu’il s’est ingénié au réveil à transposer sur la toile en long et en large et de haut en bas, de manière géométrique.
Rêves sans aucun doute libératoires, soubresauts colorés d’un moi pris dans les entrailles d’un subconscient souffreteux et qui se débattait pour accéder à l’air libre, à la clarté rassurante du jour, ce qui ne se réalisera que plus tard, lorsque Douma commencera à faire de la figuration. C’est alors que son don prendra sa véritable direction et son formidable essor.
Une figuration qui, dès le départ, en a appelé à de grands formats, taille délibérément choisie, où s’expriment la stratégie d’attaque (ou l’approche) de cet artiste apparemment de constitution physique fragile, et le défi qu’il ne cessera pas de lancer à l’espace dans sa double acception : plastique et métaphysique.
Que représente Douma ? Des paysages, des scènes de genre bien de chez nous faisant prévaloir des traditions locales, parfois des détails architecturaux imbriqués et significatifs, ou des visions de choses dont la singularité est dans leurs colorations harmonieuses. Mais à aucun moment on ne pourra parler de simple peinture réaliste ou naturaliste. Cela va au-delà des étiquettes. Quoi que le réel ait imposé au regard de formes extérieures statiques et de jeux prédéfinis de lumière, Douma procède toujours à une espèce de filtrage alchimique de ce réel, pour capter un rendu autrement généré, autrement aspecté.
Ses tableaux (Sidi Abderrahman, Maqam, Semarine, entre autres) fourmillent ainsi de sensations néo-impressionnistes dont tout le secret est dans la nuance. Du fait, Mohamed Douma est un peintre de la nuance. Et du charme qui s’en déduit. Il composerait ses œuvres comme des partitions en veillant à ressortir les plus infimes vibrations, – un langage éminemment chromatique, au sens particulièrement musical.
Equilibre, proportions, perspective trouvent chez lui des échos à la fois classiques et modernes. Ce funambule de la couleur filigranée réussit des valeurs et des mesures d’une telle subtilité et d’un tel dosage en étendant sa palette à des tons inédits, qu’il ne serait pas déplacer de parler, à son endroit, de maturité et de maîtrise.
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