Le peintre, danseur, chorégraphe et poète, Hamid Kiran, quitte la scène artistique marocaine à jamais, laissant derrière lui un héritage plastique des plus considérables et beaucoup de gens qui ont cru en son génie de grand maître de la peinture. L’artiste s’est éteint le samedi 6 août 2017 à Rabat à l’âge de 82 ans.
On ne peut parler du défunt sans se remémorer ses œuvres immortelles, des créations qui incitent au rêve et à la méditation, car réalisées avec cœur et beaucoup de passion. Cette passion de l’art qui a habité Kiran depuis des décennies sans jamais le lâcher. Elle est omniprésente dans des chefs-d’œuvre surréalistes que l’histoire gardera dans ses annales, comme «L’oiseau aux perles», «La Méduse», «Le Nuptial», «La Fleur et la fille», «Le Paon doré», «Zafiro», «La Guedra», «Le Cygne», «La Femme au voile», «L’Oiseau bleu».
Ce natif de Sebta, d’un père marocain et d’une mère espagnole, a grandi à Casablanca où il a mené ses études à l’École industrielle et commerciale. Mais comme tout artiste-né, Hamid Kiran a toujours été habité par son univers créatif très riche et diversifié, sachant qu’il n’a jamais voulu se cantonner dans une seule voie et un seul style. «C’est dans la diversité que je trouve ma liberté d’expression, qui se promène entre la tragédie et le rêve, le portrait et la fantaisie», disait le défunt. Ajouter à cela sa qualité d’être un artiste qui a rendu compte, à travers son art, d’événements historiques comme «La Marche verte» qu’il a immortalisée par une toile imposante, ou encore le «Drame des Révolutions», avec comme tête d’affiche Touria Jabrane et Adil Edarfi, pour mettre en scène le «Printemps arabe».
Toutefois, l’histoire retiendra précieusement ses trois lithographies qu’il a présentées et signées en 1982 à Paris, représentant la rencontre de l’Armée de libération avec feu Sa Majesté Mohammed V et son fils Moulay Hassan, alors Prince Héritier. Ceci sans oublier ses nombreux portraits dans lesquels il a excellé, entre autres compositions magnifiques dignes des grands peintres surréalistes. Un parcours très fructueux, parsemé de nombreuses expositions au Maroc et à l’étranger, qui attestent son génie pictural, à travers une peinture singulière, un style unique, constituant un héritage plastique des plus honorables pour le Maroc.
Cette carrière si foisonnante a été couronnée par la parution en 1995 du beau livre «Hamid Kiran, la foi d’un peintre et d’une amitié» qui est le fruit d’une amitié sincère entre le défunt et Serge Bessmertny, celui qui a veillé à la parution de l’ouvrage. Ce dernier raconte la belle histoire du vécu de l’artiste Kiran, sa pensée et son identité, incarnant sa double culture arabo-européenne révélatrice d’un homme libre, indépendant et plein de talent. Ce livre est venu à temps pour mettre en exergue les qualités de cet artiste resté très longtemps loin des lumières.
«Depuis ma rencontre avec Hamid Kiran, je n’ai cessé de déployer des efforts pour qu’il ait sa place légitime dans le firmament de l’art pictural, étant beaucoup aidé en cela par nombre d’amateurs qui lui ont acheté des œuvres en Allemagne, en Belgique, en France, au Grand-Duché du Luxembourg, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas…», a écrit Bessmertny dans la préface du livre. En effet, l’œuvre de Kiran a été beaucoup plus appréciée à l’étranger qu’au Maroc.
Mais il faut dire que l’histoire sait retenir ses enfants les plus méritants, même si cela arrive parfois un peu tard. D’où l’entrée de l’œuvre de Kiran, en tant que patrimoine culturel du Maroc, par la grande porte. La porte des maîtres de la peinture. Ce qui a lui a valu d’être honoré par la sortie d’un second titre, en 2016, consacré à sa peinture, «Hamid Kiran, création et peinture», de Fatiha Zrii. Celle-ci, fascinée par le style de Kiran, présente dans cet ouvrage l’univers de l’artiste en analysant ses différentes techniques à travers plusieurs époques. Une étude qui ne manque pas de faire connaître davantage la peinture de Kiran, ses particularités et ses mérites, que seuls les grands maîtres ont le privilège de posséder.
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