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Biographie

J’aimerais commencer mon autobiographie en vous disant combien il est difficile de parler de soi puisqu’il s’agit d’un regard au présent que je vais tenter de porter sur moi dans ma relation à mes créations. Si je m’en tiens à l’esprit de ce projet qui est de préciser le thème, le corps à travers ses différentes manifestions, sera le fil conducteur de ma communication. Comment parler donc de soi, de la peinture, de ma peinture ?
Dans ma peinture, il y a ce qui se passe avant et pendant. Je vis souvent des moments de longues réflexions sur des sujets qui me préoccupent, des questionnements sur le monde qui m’entoure et sur ce qui se passe tout simplement dans la vie. Les choses se construisent mentalement, mais peuvent aussi se déconstruire et souvent je suis dans un état de paralysie et de bouillonnement qui retarde le passage à l’acte de peindre.

Cela peut durer un certain temps. Quand je suis dans mon atelier, à l’instant où je touche à la toile et aux couleurs, je rentre dans une phase où je suis transportée par l’embrasement de mes émotions. Je suis en vibration, saisie par la folie artistique. Tout ce qui est construit dans ma tête avant obéit dès lors aux seuls ressentis du moment. J’aime travailler dans un état de désordre organisé mais, le résultat est toujours satisfaisant. Je suis une vraie fausse calme qui fonctionne comme un volcan dont la manifestation explosive instantanée ne fait que mieux révéler l’action souterraine durable et discrète.

Mes créations s’inscrivent ainsi dans mon environnement, ma culture et mon histoire. Elles sont habitées par la tension entre le corps et l’espace. C’est un lieu d’expression de la mémoire, des formes architecturales et des signes qui habitent mon imaginaire. Ma peinture est une quête, une déambulation constante au coeur de la Médina de Fès où je suis née. C’est dans cet espace premier que j’ai monté pas à pas les marches du temps. Je crois que c’est une quête passionnée à la limite. Un espace sanctuaire où l’on pénètre le corps légèrement courbé, telle une révérence au temps écoulé.

Cet éblouissement par la splendeur des souvenirs se manifeste sous forme de palettes de couleurs, d’odeurs, de voix, appel à la prière, chapelets de grains de poussières à travers les faisceaux de lumières, textures des murs, renouvelées par des générations de maçons bâtisseurs, par les pluies torrentielles et les chaleurs diffuses qui s’écoulent, les chants plutôt que les sons des métiers qui s’interpellent sans cesse au gré de la marche, se taisent, reprennent en chœur. Je pense aussi au bleu du ciel, une infinie tendresse qui se love aux fins fond des ruelles étroites, les patios intérieurs qui aspirent à la lune, au soleil, exaltent mille parfums, épices, rosiers, jasmins, thé à la menthe … le vertige des terrasses qui convergent, communiquent, espace aérien par excellence.

Tous ces souvenirs habitent mon corps et par conséquent s’expriment d’une manière ou d’une autre dans mes compositions bien sûr. Mes choix de création sont ainsi déterminés par un appel intérieur. Je suis issue d’une formation académique où j’ai l’habitude de dessiner et de vair les choses se construire devant moi, je vois apparaître un monde, des visages, des profils, des détails, et des formes. Travailler uniquement sur la couleur nécessite une profonde maîtrise. Je suis donc passée par une phase entre 1991 et 1994 où je reproduisais les grands maîtres tout en rajoutant à chaque fois un peu de moi, souvent de la matière.. Après j’ai découvert que l’architecture fut ma passion et surtout les vieilles bâtisses. Fès était à mes yeux un grand musée ouvert à la lumière,

Je ne pouvais pas m’empêcher d’admirer l’effet que la lumière ajoutait à la matière des murs, ni comment elle se cassait sur une porte, un arc et même une silhouette. Donc j’ai cherché à ramener cette texture et ces couleurs sur mes toiles en découvrant ainsi mon thème, mon style et mon identité artistique que je souhaitais et ce jusqu’à 2006. En quittant la médina de Fès, j’ai perdu ma source d’inspiration ultime, mon ressenti momentané était de me tourner vers moi même.

Face à mes nouvelles émotions frustrées je me suis mit à les interroger et à les figer sur de la toile et parfois en les sculptant sur des supports plus rigides afin mieux de résister à mes tensions.. pour cela il m’a fallut un corps, des corps … que je simplifiais, des visages et des profils pour arriver en 2008 à ce qu’on pourrait appeler un expressionnisme abstrait. Cependant rien n’était définitif. Tout dépendait de mes ressentis du moment et de mes émotions qui déterminaient l’orientation à donner à mes tableaux. Cela pour vous dire que ma peinture n’est pas prisonnière d’une école donnée. C’est donc là mon premier point de départ, ma ville natale Fès qui occupe une place fondamentale dans ma peinture. Elle y apparaît comme mon prolongement en quelque sorte.

Une relation quasi-fusionnelle qui modifie les matériaux avec lesquels je travaille et ainsi ma technique.
Par ailleurs, ma peinture est un moyen de sublimation de l’expression de l’âme. J’ai eu l’occasion par exemple d’expérimenter pleinement cet élan en 2009, quand Jean-Claude Cintas directeur du Festival Jazz In Riad m’a donné carte blanche pour exposer des toiles pas encore réalisées. Je me suis fixée alors un défi, celui de représenter le jazz-man en transe sans l’instrument. Il a fallu que je travaille sur l’intérieur, sur l’âme, le choix de la finasse, les veines, le sable qui est l’origine de l’être humain etc.. Le travail s’est fait tout seul et naturellement. Il s’agit là d’une autre manière d’interroger le corps dans son rapport à la création, en l’occurrence une relation triangulaire entre la musique, le corps et la peinture. Ce fut une expérience éblouissante. Aussi, je ne peux pas évoquer la question du corps à l’oeuvre dans la création sans parler de ce qui se joue aussi dans ma peinture comme prolongement de moi-même, de mon corps et de mes états d’âmes. Quand je peins, une sorte de corps à corps avec mon tableau s’opère. C’est plus fort que moi.

C’est quelque chose de charnel. Je peins avec mes mains. J’ai besoin de toucher la toile. Ce contact me procure une réelle jouissance. Une alchimie s’opère abolissant tout artificiel dans la relation. Cette relation dépend de la sincérité et de la fidélité de l’artiste qui doit transmettre ses émotions à son public. Il doit être digne de cette confiance qui caractérise toute relation d’amour et de partage. Peindre est synonyme de plaisir pour moi. C’est un acte d’amour avant toute chose. Quand je suis en contact avec la toile, je suis saisie et à la limite de la possession.

Je suis dès lors habitée par une folie qui dérègle positivement mes sens et me conduit sur les rivages de la jouissance que le travail est achevé. C’est quasi-orgasmique à la fin. C’est la raison pour laquelle je n’arrive jamais ou péniblement à peindre quand j’ai un chagrin ou quand je suis triste. Mes créations se font dans la joie car, elles demeurent le lieu de manifestation de ma passion. Elles expriment mes émotions les plus profondes, Ainsi, ma peinture me permet de me concilier avec le monde et ses tracasseries quotidiennes. Elle me permet de prendre de la distance et de relativiser les choses. Je ressors souvent ainsi de mon atelier apaisée et conciliante.

Enfin, j’aimerais revenir un petit instant sur le corps de la femme qui est aussi présent dans mes tableaux. Cette présence n’est donc pas étrangère à cette façon de concevoir mon travail. Ce corps reste encore l’objet de malentendus dans notre société. La femme est certes aussi libre que l’homme, mais il est à noter que le regard de ce dernier reste par moment rabaissant car, la réduisant justement à ce corps. Il est regrettable de voir encore des artistes femmes confrontées à ce genre de situation qui freine leur épanouissement artistique et la transmission de leur art au grand public.

Aujourd’hui, nous assistons à un Maroc qui a réalisé beaucoup de progrès dans tous les domaines y compris celui de l’égalité hommes-femmes, mais quelques contraintes sociales et culturelles et religieuses sont encore là. Beaucoup reste à faire dans ce domaine. Les femmes artistes que nous voyons s’exprimer depuis quelques années font partie de toute une génération qui a pris son destin en main. Cette liberté, ne nous a pas été donnée. Nous l’avions acquise dans la résistance aux pressions sociales et culturelles. En même temps, je pense que cela correspond à l’évolution de la société et des mentalités. L’accès à l’instruction a beaucoup facilité les choses et a permis aux femmes de s’exprimer de plus en plus et de façon libre. La peinture permet de faire face à toutes ces contraintes et de les dépasser.

Entre 2014 et 2019 j’ai commencé à me focaliser sur les visages spécialement en détresse, il m’était question d’interroger une autre facette du corps dans la relation qu’on voulait lui assigner par rapport à la religion. Avec mon retour à Fès, je travaille actuellement sur un projet qui interroge ma mémoire sur mon patrimoine et ma culture et tous ces moments vécus dans les grandes maisons de la médina, regroupés autour d’un verre de thé, lumière se cassant sur un patio en Zellij..Pour conclure, je peux dire que mes compositions portent la trace d’une âme, celle de l’oeuvre et celle de l’artiste. En effet, il ne s’agit pas d’une âme réduite au silence, mais bel et bien d’une âme libre qui s’exprime d’une certaine manière à la fois comme un objet de l’art mais aussi comme être libre.


La peinture de Najia Erajai se caractérise par cet infléchissement du moi de l’artiste dans sa propre activité. Elle est construite sur une sorte d’exaltation du geste pictural en quête de l’amour qui le porte. Elle permet ainsi de trouver, dans la joie des couleurs, la puissance de la passion et le vécu émotionnel qui la déploient. Le corps du peintre est ainsi une construction générée dans l’embrasement de l’artiste et de sa création. C’est un appel à vivre dans sa peinture et non à en vivre. C’est cet effet de saisissement qui est recherché dans l’espace de la toile comme prolongement de soi. La peinture et le désir sont intimement scellés. C’est donc ce mouvement qui met en jeu le corps pour le rendre à la folie de la rencontre.

Chez Najia Erajai, créer dans la joie est donc un besoin vital. La peinture est un univers où l’artiste se préserve, se construit au-delà des souffrances et des contraintes quotidiennes. En dehors d’un tableau, tout est relatif. C’est dans la création que les soucis et les chagrins du monde sont transfigurés.

La peinture est de ce fait un espace d’amour, de pardon et d’accueil de l’autre. Elle permet d’entrer dans un état où l’artiste se soustrait à la matérialité des choses, accède à un état de vibration et de jouissance. Il y a quelque chose d’orgasmique dans un tableau achevé. Un sentiment, dit-elle, d’avoir été au bout des choses. Peindre c’est entrer dans une espèce de tension qui entraîne le désordre dans un premier temps, mais dont le résultat est au final satisfaisant. C’est cette double caractéristique qui qualifie le mieux la peinture de Najia Erajai. Un volcan en sommeil dont les entrailles sont sous tension permanente. La peinture serait alors le lieu privilégié de cette manifestation.

Extrait du livre  » la peinture des femmes marocaines  »

 

 

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    Ses oeuvres

    Dimensions : 100 x 150 cm

    Prix : 20 000 MAD

    Référence: 5735

    Dimensions : 100 x 60 cm

    Prix : 9 000 MAD

    Référence: 5738

    Dimensions : 100 x 150 cm

    Prix : 20 000 MAD

    Référence: 5737

    Dimensions : 100 x 150 cm

    Prix : 20 000 MAD

    Référence: 5736

    Dimensions : 200 x 100 cm

    Prix : 25 000 MAD

    Référence: 5734

    Dimensions : 100 x 150 cm

    Prix : 20 000 MAD

    Référence: 5739